Archives révolutionnaires (série L)
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Description :
La série L des Archives départementales comprend les papiers des diverses administrations de département, de district ou de canton qui se sont succédées dans le département de 1790 à 1800, exception faite des papiers relatifs à la vente et à l'administration des domaines nationaux dans la série Q.
Constitution de la série L aux Archives départementales de l'Eure (Pour tout ce qui concerne la formation des Archives départementales, se reporter aux dossiers 55L/8 à 16).
Par un arrêté du 31 juillet 1790 le directoire du département choisit le Petit Séminaire Saint-Leufroy, aujourd'hui la Préfecture, pour la tenue de ses séances. Le conseil du département, dans sa séance tenue à Evreux le 10 décembre 1791, régla par un arrêté l'organisation des bureaux de l'administration du département. L'article 8 de ce règlement porte qu' «il y aura un archiviste qui, sous sa responsabilité, aura la garde et manutention des archives de l'administration de département et qui à cet effet prêtera serment; il sera en outre chargé de la correspondance générale. L'assemblée a nommé M. Pain qui était déjà à la tête du bureau de correspondance et dont les talents et la conduite lui sont connus». Un nouveau règlement arrêté par le directoire le 8 octobre 1792 et le conseil du département le 11 décembre 1792 ne modifiait pas les attributions de l'archiviste. Le titulaire de cet emploi était seul changé; Pain était remplacé par Eustache Lampérière, lui-même remplacé par Gassouin, le 13 brumaire an II. L'arrêté du directoire du 26 ventôse an II qui réorganisait les services de l'administration départementale prévoyait, à côté d'un nouvel archiviste nommé Edeline, un archiviste adjoint Delhomme, qui serait en même temps chef du bureau de correspondance (voir 121T). Le 14 messidor an II, Delhomme était nommé archiviste du département en remplacement d'Edeline décédé.
Les documents versés régulièrement par les divers bureaux de l'administration départementale aux Archives du département furent l'amorce de notre série L.
La suppression des districts par la constitution du 5 fructidor an III entraîna l'attribution des papiers des administrations de district, concernant l'administration générale, aux Archives départementales. L'article 31 de la loi du 21 fructidor an III, prévoyait en effet que les archives des administrations de district seraient divisées en deux catégories: celles qui s'appliquaient à l'administration générale du département ou du district seraient adressées au chef-lieu de département; celles qui regardaient spécialement un canton ou une commune devraient être remises à la municipalité du canton intéressé.
Cette division devait être réalisée dans un délai de quinze jours à dater de la publication de la loi. En fait il fallut beaucoup plus de temps. La première besogne qui incombait aux archivistes des ex-administrations de district consistait dans la rédaction d'un inventaire des documents à remettre au département. Le District de Bernay fut le premier prêt. Le 11 brumaire an IV, il adressait à l'administration centrale de l'Eure, un inventaire de 70 registres et 142 liasses à verser aux archives départementales. Le 11 frimaire an IV, le District d'Evreux adressait l'inventaire de 557 registres et liasses, plus 1376 cahiers d'état civil destinés à être remis au dépôt départemental. Le 8 ventôse an IV, c'était le tour du District de Louviers dont l'inventaire portait sur 139 registres et 125 liasses. Le District de Pont-Audemer ne rédigea son inventaire que le 15 prairial an V: 838 liasses, 797 registres dont 662 cahiers d'état civil y étaient mentionnés. Le District des Andelys demeura inactif, et l'administration départementale ne pensa pas tout d'abord à intervenir. Un jour vint cependant, le 14 ventôse an V, où devant la nécessité de recourir aux registres d'inscription et de radiation de la liste des émigrés, l'administration centrale fit commandement à la municipalité du canton des Andelys, intra muros, d'avoir à expédier dans le plus bref délai les registres désirés. Le 20 ventôse les 17 registres de l'ex-bureau des émigrés du directoire de district des Andelys étaient extraits des archives de ce district et envoyés à l'administration départementale. Un an après ce premier envoi, l'ex-archiviste du district des Andelys, le citoyen Rossey, se décidait à rédiger un inventaire des documents restés aux Andelys et à préparer leur envoi à Evreux. L'envoi du 1ernivôse an VI, comprenait 1022 liasses et 155 registres. Le 25 vendémiaire an VII, le citoyen Rossey à la suite de réclamations de papiers et plans restant au bureau des archives du ci-devant District des Andelys, portant sur 145 liasses, 10 registres et un lot de plans. Quant au District de Verneuil, il ne prit même pas la peine de rédiger l'inventaire prescrit.
Les opérations de transfert devaient être effectuées immédiatement après la confection des inventaires.
Là encore la loi se heurta à l'apathie et à l'incompréhension. Les archivistes des districts préposés au triage par la loi du 17 messidor an II, furent chargés des opérations de triage et de transfert. Mais les instructions étaient vagues et incohérentes. Une lettre du 29 pluviôse an IV de l'archiviste du district de Louviers, Dubois, adressée à l'administration centrale fait état d'une lettre de l'archiviste général Camus du 19 pluviôse prescrivant contrairement aux instructions données par l'archiviste départementale Delhomme que les titres domaniaux devraient être déposés aux Archives départementales et non répartis entre les cantons.
A en croire ce même Dubois, les archives de l'ex-district de Louviers étaient inventoriées et ensachées dès le début de nivôse. La mauvaise interprétation de la loi manifestée par l'archiviste Delhomme retarda le transfert à Evreux qui ne put être exécuté que le 9 ventôse an IV.
Il avait donc fallu plus de trois ans, pour que la loi du 21 fructidor an III eût trouvé sa complète application dans l'Eure. Nous étions loin du délai de quinze jours qui avait été prévu par le législateur.
Il n'y avait pas dans ces importants versements que des documents se rapportant à l'administration des districts de 1790 à fructidor an III. En vertu de la loi du 28 octobre 1790, les archives des districts avaient reçu les chartriers des bénéficiers des maisons et communautés religieuses, et en vertu de celle du 25 juillet 1793, les titres des biens des émigrés. La loi du 27 messidor an II avait prescrit, outre la rédaction d'un inventaire sommaire des archives du district, le triage des documents historiques intéressant l'histoire, les sciences ou les arts, qui devaient être conservés, des domaines nationaux, qui seraient provisoirement conservés, des documents judiciaires qui seraient les uns détruits, les autres remis aux greffes des tribunaux. Mais les opérations de confiscation des chartriers des domaines nationalisés furent fréquemment mal conduites; bien des municipalités négligèrent d'adresser au district les papiers confisqués: c'est ainsi que par le registre de dépôt des titres des bénéfices supprimés aux archives du district des Andelys, nous apprenons que du 3 février 1790 au 12 novembre 1792, 42 versements seulement, la plupart insignifiants, furent fait pour tout le district des Andelys (72L/2). De plus le 10 août 1793, en application des prescriptions du décret de la Convention du 17 juillet 1793, on brûla un peu partout non seulement les titres constitutifs ou recognitifs des droits seigneuriaux supprimés ou les titres généalogiques comme la loi l'entendait, mais, sans discrimination, les chartriers en entier qui avaient été versés aux municipalités ou dont la populace put s'emparer dans les châteaux des nobles. Le dépouillement des registres des délibérations des municipalités est très significatif à cet égard. Quant aux opérations de triage, elles furent menées avec autant de négligence que d'arbitraire. Nous n'avons guère conservé de trace de la méthode suivie et du travail exécuté; nul doute cependant que bien des pertes de documents sont imputables aux bureaux de triage.
Par la loi du 21 ventôse an III, les comités révolutionnaires supprimés devaient remettre leurs archives à l'administration de district. Cette prescription ne fut pas davantage exécutée. C'est ainsi que dans le district de Pont-Audemer seize municipalités seulement n'envoyèrent pas les archives de leurs comités de surveillance, il semble qu'il n'y ait eu aucun versement dans les districts de Bernay, de Louviers et de Verneuil.
Les archives de district à l'époque de leur transfert aux Archives départementales étaient donc loin de comprendre tous les documents qui légalement auraient dû y êtres versés.
D'autre part il semble démontré que les opérations de transfert ordonnées par la loi du 21 fructidor an III n'englobèrent pas toujours la totalité des papiers renfermés dans les archives des districts. Nous avons déjà vu que dans les réclamations réitérées de l'administration centrale, l'archiviste de l'ex-district des Andelys aurait conservé une assez grosse quantité de documents; après l'envoi de vendémiaire an VII, il n'est pas sûr encore qu'il ne soit rien resté aux Andelys; le 29 floréal an VIII, le Préfet de l'Eure, adresse une nouvelle réclamation au citoyen Rossey ex-archiviste du district des Andelys au sujet de papiers terriers de domaines compris dans l'ancien district des Andelys, qui n'ont pas été envoyés aux Archives départementales et Rossey dans sa lettre du 7 prairial an VIII se justifie tant bien que mal, assurant qu'il n'a plus rien en sa possession des anciennes archives du district. Le Préfet revient pourtant à la charge par l'intermédiaire du sous-préfet des Andelys le 2 pluviôse an XIV, cette fois au sujet des titres religieux trinitaires de Gisors. Dans un mémoire daté du 20 pluviôse Rossey oppose de nouvelles dénégations. Il n'en demeure pas moins indiscutable que toute une série de documents des archives de district n'a pas été transférée à Evreux. Les archives du district de Pont-Audemer avaient été transférées à Evreux le 18 ventôse an V; or le 10 floréal an VI, le propriétaire d'une maison de Pont-Audemer sise rue du Sépulcre occupée autrefois par la régie des Aides se plaint à l'administration centrale que son grenier est encombré par quantité de registres et de papiers laissés pas la ci-devant administration de district. L'administration centrale donne l'ordre le 29 floréal à la municipalité de disposer de ces papiers comme bon lui semble , à l'exception toutefois des trois derniers exercices de l'ex-régie des Aides. Dans la lettre que les ci-devant administrateurs du district de Pont-Audemer adressaient le 14 prairial an V à l'administration centrale de l'Eure pour lui annoncer l'envoi des caisses contenant les archives du district, ils mentionnaient que le manque de place disponible sur la voiture qui devait transporter à Evreux les caisses de documents les avait contraint à laisser à Pont-Audemer les placets, les registres déposés par le ci-devant directeur des Aides et des registres de notaires trouvés au château d'Annebault. Tous ces documents furent abandonnés dans les locaux du district et nul ne songea jamais à les réclamer. Le hasard nous a permis en 1929 d'acquérir une partie de ces registres de notaires depuis longtemps passés dans des mains privées.
La loi du 5 brumaire an V, qui ordonnait la réunion aux archives des chefs-lieux de département, des titres et papiers disséminés dans les divers dépôts d'archives de chaque département, ne provoqua aucun versement nouveau. Le registre d'ordre servant à enregistrer tout ce qui se dépose journellement aux archives départementales ne mentionne que quelques versements de titres domaniaux, le versement par l'agent municipal de la bonne ville des archives de l'Abbaye de la Noé et quelques dépôts de pièces administratives provenant des bureaux de l'administration centrale. Les documents judiciaires détenus par les greffes des tribunaux ne furent même pas réclamés. Un seul versement de cette nature avait été fait antérieurement à la loi du 5 brumaire an V; 2465 registres de catholicité provenant de l'ancien bailliage de Vernon avaient été remis le 28 ventôse an IV, aux Archives départementales.
Classement et accroissement de la série L (voir 121T)
L'archiviste du département Delhomme songea dans les derniers mois de l'an V, à classer et à répertorier la partie administrative des versements des districts. - Il déposa les documents dans les greniers de l'administration centrale, ex-Petit-Séminaire et adopta le classement suivant:
1e série: Domaines nationaux et émigrés: districts de Pont-Audemer, Evreux, Louviers et Bernay.
2e série: Guerre, même ordre dans les districts;
3e série: Impositions, districts d'Evreux, Louviers, Bernay et Pont-Audemer;
4e série: Ponts et Chaussées, districts de Pont-Audemer, Evreux, Louviers et Bernay;
5e série: Subsistances, même classement des districts;
6e série: Comptabilité, même classement des districts;
7e série: Secrétariat et papiers du procureur syndic, même ordre de districts;
8e série: Pensions et secours, tous districts;
9e série: Instruction publique, tous districts;
10e série: Corps administratifs, tous districts;
11e série: Assemblées électorales;
Après le versement des papiers des districts des Andelys et de Verneuil, (vendémiaire et nivôse an VI), Delhomme ajouta une douzième série: District des Andelys, secrétariat, domaines nationaux, émigrés, guerre, impositions, Ponts-et-chaussées, subsistances, comptabilité, et une treizième série: District de Verneuil: domaines nationaux, guerre, Ponts-et-chaussées, comptabilité, et secrétariat.
La suppression des administrations municipales de canton lors de l'application de la constitution de l'an VIII, aurait dû provoquer le versement aux Archives départementales des archives de ces administrations, versement qui fut ordonné par le Préfet de l'Eure, le2 frimaire an XIII. En fait seuls les états de dépenses municipales de l'an VII, furent remises à l'administration départementale. Les sous-préfectures et les archives municipales des chefs-lieux de canton conservèrent tout le surplus de ces archives.
La Sous-Préfecture de Louviers toutefois avait obtenu le versement d'une partie des archives des cantons du Vaudreuil, du Neubourg, et de Pont-de-l'Archive, et celle des Andelys le versement des archives des cantons d'Andely, Charleval, Ecos, Ecouis, Etrépagny, Gisors, Lyons, Mainneville, Pont-St-Pierre et Tilly. En l'an X la Préfecture fut transférée dans le palais épiscopal et l'évêque vint s'installer dans les bâtiments précédemment occupés par la Préfecture. Cependant les Archives départementales ne furent transportées dans la nouvelle Préfecture que dans le courant de l'an XII (cf. séries M et V). On avait aménagé dans l'intention de recevoir les papiers du Département la salle voûtée où se trouvaient avant la Révolution les archives du chapitre cathédral. La place concédée était beaucoup trop restreinte et l'on dut pour agrandir le dépôt aménager en 1809 la salle capitulaire. Au dessus d'une cave voûtée on installa une pièce de 11 m. 60 de longueur sur 6 m. 20 de largeur, voûtée sur croisée d'ogives et surmontée d'un comble couvert en tuiles.
Le classement des archives ne faisait guère de progrès. L'archiviste Delhomme avait été placé en l'an VII à la tête du secrétariat et il devait s'occuper en outre des affaires relevant du cabinet du Préfet et de l'Instruction Publique; en 1810 il fut nommé chef du bureau de la comptabilité et un certain Lemoyne devint le chef du bureau du secrétariat et des archives; en 1813 M. Royer-Véricourt succédait à Lemoyne; Delhomme continua cependant à porter le titre d'archiviste du département. Dans une lettre adressée au Ministre de l'Intérieur datée d'octobre 1807 le Préfet disait notamment: «le répertoire général des archives est commencé et se continue... ce travail important serait à peu près achevé sans le déplacement des archives qui a eu lieu sous un de mes prédécesseurs (en l'an XII), déplacement qui a détruit une partie de l'ordre qui existait et qui a retardé la confection du répertoire général». Le Préfet note encore que les cartulaires et les pièces historiques les plus importantes étaient déposées à la bibliothèque de l'école centrale.
En 1823, le palais épiscopal était rendu à l'évêque et les bureaux de la Préfecture retournaient dans l'ancien séminaire St-Leufroy, mais une fois de plus les archives ne furent pas du voyage. Il fallut attendre l'achat de la propriété Desvaux contigüe au parc de la Préfecture acquise par le Département le 27 avril 1835 et l'aménagement de cette propriété pour pouvoir envisager le transfert des Archives départementales. Ce n'est qu'en 1837 que put s'opérer ce transfert. M. Lorin avait succédé le 31 août 1830 à Delhomme comme archiviste départemental. Les salles affectées aux Archives à l'Évêché n'avaient pas été entretenues depuis 1823; les eaux de pluies y pénétraient depuis longtemps déjà, c'est dire que les documents avaient beaucoup souffert de l'humidité.
La propriété Desvaux n'offrait pas toutes les conditions d'aération requises par la circulaire sur la conservation des archives du 28 avril 1817. La cave de l'immeuble dont on avait été obligé de faire la pièce principale n'était pas à l'abri de l'humidité. La loi du 10 mai 1838 et les instructions ministérielles des 31 juillet, 8 août et 8 octobre 1838 contraignirent le département à se soucier davantage des archives départementales. L'archiviste Lorin, auteur de deux intéressantes brochures sur l'assemblée générale des trois ordres du bailliage principal d'Evreux en 1789 et sur la formation et les premiers actes de l'assemblée administrative du département, s'appliqua avec beaucoup de soin au classement des archives, mais sa santé délicate l'empêcha de mener la tâche avec toute l'activité désirable.
Il adopta le classement topographique suivant:
Salle du rez-de-chaussée (ancienne cave): affaires militaires, police, comptabilité communale, départementale et des ministères, impositions, registres des délibérations de anciens districts.
Premier étage: domaines nationaux, conseil de préfecture, ponts-et-chaussées, eaux et forêts, élections.
Second étage: bibliothèque administrative.
Toutes les pièces historiques étaient jetées en vrac dans une dépendance du premier étage.
Il ressort du classement adopté que l'on n'avait pas respecté les fonds et que l'on avait mélangé les apports des administrations de district et de département.
La publication du cadre de classement des Archives départementales en 1841 modifia les projets de l'archiviste qui s'efforça avec l'aide de ses deux employés pendant les dix dernières années de sa vie d'appliquer aux Archives de l'Eure les prescriptions de l'instruction ministérielle du 24 avril 1841. Le 12 mai 1844 une vente de papiers inutiles portait sur 152 liasses des archives départementales, une autre le 30 décembre 1850, sur 119 liasses. L'autorisation ministérielle qui fut dans les deux cas demandée nous garantit que rien d'important ne fut sacrifié.
A la mort de Lorin le 12 mai 1851, l'abbé Lebeurier, archiviste paléographe, chanoine honoraire de la cathédrale d'Evreux, ancien professeur à la faculté de théologie de Bordeaux fut nommé archiviste départemental de l'Eure. Le nouvel archiviste départemental dans son premier rapport se plaint du mauvais état de classement des Archives; il se met courageusement à la besogne; il s'occupe successivement du classement et de l'inventaire des séries S (Travaux publics) R (Guerre) X (Assistance) A (Domaine Royal) D (Instruction publique) C (Administration d'ancien régime) B (Justice d'ancien régime) et E (Familles et fiefs), mais les deux séries révolutionnaires L (Administration) et Q (Domaines nationaux) demeurent en dehors des préoccupations de l'abbé Lebeurier.
Dans sa session de l'année 1857, le conseil général décide l'achat d'une série de propriétés contigües au parc de la Préfecture pour permettre la construction d'un grand dépôt d'archives bien dégagé convenablement aéré et éclairé. C'est notre dépôt actuel qui fut inauguré au début de l'année 1859.
L'ancien bâtiment fut jeté à bas, les archives furent empilées en partie dans une maison de la rue de la Préfecture, en partie dans une maison de la rue Désormeaux, en attendant l'aménagement intérieur du nouveau dépôt.
L'abbé Lebeurier avait commencé dès 1858 le classement et l'inventaire des papiers de la série Q (domaines nationaux); ce travail interrompu depuis 1859 fut repris en 1869 et en 1870. En 1874 un remaniement général des séries fut entrepris. Les séries L et S furent classées grosso modo, la série en harmonie avec les prescriptions de la circulaire ministérielle du 11 novembre 1874. Entre temps, en 1860, un état général des fonds, le premier de cette nature qui ait été publié en France, avait été imprimé et témoignait déjà d'un classement rudimentaire des séries révolutionnaires.
Les séries L et Q étaient l'objet de nouveaux remaniements en 1880. Les instructions ministérielles du 17 novembre 1887 prescrivirent à M. Bourbon, nommé archiviste de l'Eure en 1879, en remplacement de M. Dolbet qui avait succédé à l'abbé Lebeurier en 1874, qui prescrivait de classer les dossiers «affaires diverses» de la série L dans l'ordre des séries M à Z du cadre des archives administratives modernes, établit un classement comportant 49 subdivisions, dans lesquelles il répartit une masse de 4.000 pièces de toute nature. De plus l'archiviste cota et analysa sur fiches les 257 registres de délibérations et d'arrêtés des administrations révolutionnaires. Ce travail commencé en 1887 se poursuivit les années suivantes.
En 1888 la sous-préfecture des Andelys versait aux Archives départementales, les archives des municipalités de canton de l'ancien district des Andelys. En 1889 un lot important de documents appartenant à la série L étaient retrouvés dans un cabinet des Archives départementales. A la suite d'une circulaire du 17 mai 1897 les municipalités de la Barre-en-Ouche et de la Ferrière-sur-Risle versaient un certain nombre de documents provenant des archives des municipalités des cantons de la Barre et de la Ferrière ; en 1898, une réintégration analogue parvenait de Beaumesnil. Le classement et la rédaction de l'état sommaire de la série L étaient terminés au début de l'année 1899.
De nouvelles instructions ministérielles données en 1902 en vue de la publication de l'état sommaire des documents de l'époque révolutionnaire conservés dans les archives départementales contraignirent le nouvel archiviste de l'Eure, M. Georges Besnier, à modifier quelque peu le classement adopté par son prédécesseur et à le compléter par l'adjonction des papiers des comités révolutionnaires et sociétés populaires des diverses communes. D'autre part au cours des inspections des archives communales, M. Besnier avait été mené à obtenir la réintégration des archives des municipalités de canton de Rugles, du Neubourg, de Pont-de-l'Arche, du Vaudreuil (1902) de Cormeilles et de Pont-Audemer, de Beaumont-le-Roger (1903) de Montreuil-l'Argillé et d'Harcourt (1904). M. Besnier avait procédé en outre, en 1903, au relevé des documents de l'époque révolutionnaire conservé au greffe du tribunal d'Evreux.
L'état sommaire des documents de la série L complété par l'adjonction de ces réintégrations et plusieurs fois modifié fut enfin publié par M. Robert Anchel en 1907. La recherche de tous les documents de l'époque révolutionnaire classés à tort dans les séries modernes avait été assez pénible et avait retardé la publication.
De nouvelles réintégrations de documents venant des anciennes municipalités cantonales furent faites les années suivantes: Breteuil (1907) Andely, Charleval, Ecos, Etrépagny, Gisors et Tilly (1912).
La dévolution aux Archives départementales des archives de l'évêché d'Evreux en 1907 enrichissait notre série d'une liasse de procès verbaux de rétractations de serment d'ecclésiastiques.
A la suite de l'inspection effectuée en septembre 1924 par l'inspecteur général des archives, M. Vidier, des greffes des tribunaux de première instance et des greffes de justice de paix, la chancellerie autorisait le transfert aux Archives départementales des documents de l'époque révolutionnaire conservés dans ces greffes. Cette mesure était prise malheureusement un peu tard. L'incendie du tribunal des Andelys en 1861 avait complètement anéanti les archives du tribunal de district et du tribunal correctionnel de Gisors; l'incendie du Palais de justice d'Evreux, le 2 juin 1911, avait réduit à néant non seulement les archives du tribunal de district et du tribunal correctionnel d'Evreux, mais encore celles du tribunal du district et du tribunal correctionnel de Verneuil, celles du tribunal civil du département et du tribunal criminel. M. Merlet mon prédécesseur obtint, à la fin de l'année 1924, le versement aux Archives départementales des documents évacués des tribunaux de district et des tribunaux correctionnels de Bernay, Louviers et Pont-Audemer et des maisons d'arrêt des Andelys, Bernay, Evreux et Louviers, pour la période s'étendant de 1790 à 1800. L'application des décrets-lois de 1926 relatifs à la suppression d'un grand nombre de tribunaux de première instance entraîna les circulaires ministérielles des 9 et 14 octobre 1926 ordonnant le versement aux archives départementales de tous les documents centenaires. L'exécution de ces instructions provoqua notamment la remise aux Archives de l'Eure des registres d'État-civil antérieurs à 1802 conservés dans les greffes de Bernay, Louviers et Pont-Audemer.
Entre temps, les minutes de l'époque révolutionnaire, des justices de paix étaient rassemblées et prenaient place sur les rayons réservés de la section judiciaire de la série L.
Au cours de mes tournées d'inspection d'archives communales je constatai que des documents émanant des administrations municipales de canton se trouvaient encore dans les mairies des chefs-lieux de ces cantons et j'obtins notamment le versement d'importants documents provenant des administrations de canton d'Ivry, de Montreuil et de Tillières. Le tri des archives de la sous-Préfecture supprimée de Louviers me permettait en outre de retrouver quelques bribes des archives des administrations cantonales du Neubourg, de Pont-de-l'Arche et du Vaudreuil.
Cette reconstitution aux Archives départementales des archives des administrations de la période révolutionnaire qui s'est poursuivie pas à pas depuis cent trente trois ans n'est sans doute pas encore terminée. Nul doute que l'on ne retrouve encore dans des recoins ignorés de mairies ou de sous-préfectures ou dans des collections particulières, des pièces qui ont leur place dans l'une de nos séries révolutionnaires.
Etat actuel de la série L.
Le présent répertoire s'applique à tous les documents de l'époque révolutionnaire conservés dans les Archives de l'Eure, à l'exception toutefois des dossiers concernant la vente et l'administration du séquestre des biens nationaux (les arrêtés, registres de délibérations et de pétitions des corps administratifs et la correspondance administrative relatifs aux domaines nationaux figurent dans le présent répertoire) et l'indemnité du milliard payée aux émigrés classés dans la série Q (domaines nationaux) des registres de formalités de l'enregistrement classés dans la même série Q, des registres d'état civil classés dans la série E, des quelques pièces relatives aux biens communaux et aux travaux communaux, aux chemins vicinaux, aux divers domaines publics, terrestre fluvial et maritime, répartis dans les dossiers communaux des séries modernes O et S d'où il eut été difficile de les extraire.
Le classement adopté est conforme aux prescriptions des circulaires ministérielles du 11 novembre 1874 et du 25 juin 1929, i1 ne s'écarte que peu du classement dont témoigne l'état sommaire de 1907. Nous avons cependant tenu à réduire au minimum les varia et réparti le plus possible dans les subdivisions d'affaires spéciales les dossiers et les registres au contenu un peu hétérogène, quitte à les faire figurer plusieurs fois mais toujours sous la même cote dans les diverses subdivisions auxquelles ils se rapportent. Nous avons dépouillé les séries modernes, toutes les fois que la chose était licite, des dossiers d'affaires qui par leur date appartenaient régulièrement à la série L. Nous avons enfin essayé de distinguer autant qu'il était possible, les dossiers provenant de l'administration de département de ceux provenant des administrations de district.
Le principe du respect des fonds à dicté les grandes sections de la série L.
Fonds de l'administration du département (1790-an VIII).
Fonds des administrations de district (par ordre alphabétique des districts (1790-an IV).
Fonds des administrations municipales de canton (par ordre alphabétique) (an IV-an VIII).
Fonds des comités de surveillance et comités révolutionnaires.
Fonds judiciaires : tribunaux de district (1790-an IV), tribunal civil du département (an IV-an VIII), justices de paix (1790-an VIII), tribunaux de police municipale (1791-an IV), tribunal criminel du département (1792-an VIII), tribunaux correctionnels (an IV-an VIII), juridictions d'exception (1790-an VIII), sentences arbitrales (1791-an VIII), registres d'insinuation de donations entre vifs (1791-an VIII), répertoires de notaires (1791-an VIII), registres d'écrou (1790-an VIII).La première section comprend les archives du directoire de département (1790-an IV) et de l'administration centrale de département (an IV-an VIII) c'est-à-dire les collections des publications officielles (lois et décrets, bulletins des lois, Moniteur universel), les registres de transcription des lois et décrets, les registres de délibérations et arrêtés du conseil du département, du directoire du département et de l'administration centrale du département, les registres d'ordre et de transcription de la correspondance générale, des dossiers d'affaire assez complets pour le personnel administratif, les opérations électorales, la police générale, la comptabilité départementale, les contributions, le recrutement et l'équipement militaire, les cultes. Par contre les dossiers relatifs au fédéralisme, à la comptabilité communale, à la trésorerie, aux travaux publics, à l'instruction publique, à la justice et à l'assistance sont étiques. Aucun rapport décadaire n'a été conservé.
La seconde section est réservée aux archives des administrations de district supprimées par la constitution de l'an III. On y trouvera à peu près en totalité les registres de délibérations et d'arrêtés, ainsi que les dossiers relatifs à la comptabilité et aux contributions; par contre, presque rien n'a été conservé en ce qui concerne l'administration et la police, les subsistances, l'armée, les travaux publics, l'instruction publique et l'assistance. Ces lacunes s'expliquent d'une part par les mauvaises conditions dans lesquelles les opérations de transfert ont été effectuées en l'an IV et en l'an V, d'autre part par des suppressions intentionnelles opérées probablement par l'archiviste Delhomme lors du premier classement des fonds de district aux archives départementales. En effet lorsque l'on compare les bordereaux de versement des districts, l'inventaire très sommaire établi par Delhomme en l'an V, et le présent répertoire, l'on constatera avec tristesse que sur 155 registres versés par le district des Andelys, il n'en reste plus aujourd'hui que 78, sur 151 versés par Bernay, il n'en reste que 27, sur 94 versés par Evreux, il n'en reste que 43, sur 90 versés par Louviers, il n'en reste que 58, et sur 101 de Pont-Audemer, il n'en reste que 68. L'examen des divers inventaires est tout aussi suggestif en ce qui concerne les dossiers d'affaires qui étaient portés sur les bordereaux de versement et qui ne figurent plus ni sur l'inventaire de Delhomme, ni dans notre série L. Il ressort bien de cet examen que la plupart des suppressions se sont faites avant la rédaction de l'inventaire de Delhomme. Il ne semble pas que l'on ait procédé à de nouvelles suppressions au XIXe siècle et si de nouvelles lacunes se sont produites, il faut s'en prendre uniquement aux divers déménagements subis par nos archives départementales. La troisième section comprend les archives des municipalités de canton. L'on a vu précédemment que ces archives, qu'elles aient été remises aux sous-préfectures ou qu'elles soient restées dans les mairies des chefs-lieux de canton, n'ont fait l'objet de versements aux archivés départementales que depuis les dernières années du XIXe siècle. Elles n'ont été retrouvées intactes que pour les cantons de Beaumesnil, Breteuil, Evreux, Harcourt, Ivry, Montfort-sur-Risle, Montreuil-l'Argillé, Rugles et Tillières, Elles ont été à peu près entièrement détruites pour vingt-quatre cantons. Dans la quatrième section on trouvera les archives des comités de surveillance et sociétés patriotiques, les registres de la fabrique de la cathédrale et de la charité d'Evreux. Les archives des comités de surveillance auraient dû être versées aux archives du district en vendémiaire an III. Nous ne trouvons trace de ces versements que pour les districts des Andelys, d'Evreux et de Pont-Audemer ; il ne semble pas que la loi ait reçu même un commencement d'exécution à Bernay, Louviers et Verneuil. Il est certain d'autre part que les versements effectués ont subi au cours du XIXe siècle d'importantes éliminations puisque le bordereau de versement des archives de district de Pont-Audemer mentionne la présence de 127 dépôts de comités révolutionnaires de surveillance et que nous n'en avons plus aujourd'hui que 36. Sur un nombre de 870 communes, 71 seulement sont aujourd'hui représentées dans le fonds des comités de surveillance, et 10 dans le fonds des sociétés populaires.
La cinquième et dernière section contient les fonds judiciaires qui n'ont été versés aux Archives départementales qu'en 1925 et 1926. On y déplorera de très graves lacunes qui s'expliquent par les incendies des palais de justice des Andelys (1861) et d'Evreux (1911). L'un de mes prédécesseurs, M . Besnier avait dressé un état sommaire des archives judiciaires de l'époque révolutionnaire conservées au greffe du tribunal civil d'Evreux comprenant les registres et procédures du tribunal criminel du département (1792-1800) du tribunal civil du département (an IV-an VIII) du tribunal du district d'Evreux (1790-an IV) et du tribunal du district de Verneuil (1790-an IV) des tribunaux correctionnels d'Evreux et de Verneuil (an IV-an VIII). Rien de tout cela n'a pu être sauvé des flammes pas plus que n'avait pu être sauvé le fonds du tribunal de district et du tribunal correctionnel de Gisors lors de l'incendie du Palais de justice des Andelys. On rencontrera aussi quelques lacunes dans les versements des justices de paix. Nous n'avons pu retrouver qu'un très petit nombre de minutes des justices de paix de la Barre-en-Ouche, Charleval, Conches, Lieurey, Montreuil, Pacy-sur-Eure, Pont-St-Pierre, Ste-Colombe, Tilly et du Vaudreuil. Les cantons d'Evreux, extra-muros, et de Fontaine-sous-Jouy ne nous ont absolument rien donné. Nous n'avons trouvé de sentences arbitrales qu'aux tribunaux de Bernay et de Louviers, d'insinuation des donations entre vifs, qu'au tribunal de Louviers, de répertoires de notaires que pour le district de Bernay. Les registres d'écrou des maisons d'arrêt des Andelys, Bernay, Evreux et Louviers forment des séries bien suivies ; ceux des maisons d'arrêt de Gisors, de Pont-Audemer et de Verneuil ont disparu.
Malgré ces déplorables lacunes qui sont dues pour une part à des incendies, pour une plus grande part aux lenteurs et aux négligences administratives qui se sont manifestées lors de l'application des lois ordonnant les versements de documents aux Archives départementales, dues aussi à des éliminations, la série L des archives de l'Eure offre encore à l'historien de la Révolution française, d'innombrables matériaux parmi lesquels le présent répertoire lui permettra de s'orienter.
Marcel Baudot
Archiviste départemental de l'Eure
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Date :
1790-1828
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Identifiant :
1L1-333L